Aller au contenu
Accueil / Les actualités / Assises d’OpenDataFrance #1 : une réflexion collective et ouverte sur l’avenir de l’association

Assises d’OpenDataFrance #1 : une réflexion collective et ouverte sur l’avenir de l’association

Le mercredi 7 février, OpenDataFrance organisait ses premières assises sous la forme d’un webinaire durant lequel de grands témoins et le public ont pu réfléchir ensemble à l’avenir de l’open data et au rôle de l’association dans l’évolution de cet écosystème. Producteurs de données ouvertes, réutilisateurs, collectivités adhérentes ou intéressées, partenaires de l’association, tous ont pu aussi interroger la gouvernance et la vocation de l’association. 

Constance Nebbula, présidente de l’association, a ouvert les débats en rappelant que cet évènement est l’aboutissement d’une première phase de redéfinition qu’OpenDataFrance a décidé de mener depuis décembre avec son conseil d’administration.

Nous avons osé avoir l’humilité de dire que peut-être certaines activités de l’association ne sont plus utiles ou qu’on ne les réalisait pas forcément bien. Ou, au contraire, que nous devions aller vers d’autres choses”, a affirmé la présidente de l’association.

Pour ces premières assises, OpenDataFrance s’est entourée des élus de l’association, et de personnalités reconnues de la donnée en France, durant un temps animé par la coopérative Datactivist. Il fait suite à une première consultation fermée, durant laquelle les contributeurs ont partagé leur avis sur l’évolution de l’écosystème de l’open data, le rôle de l’association et les actions à mener.

Le périmètre de l’association : de l’open data à la data tout court ?

Jacques Priol, fondateur du cabinet CIVITEO et président de l’observatoire Data Publica, a ensuite partagé ses réflexions sur le périmètre de l’association : doit-elle passer de l’open data à la data ? Son intervention a démarré par un rappel du contexte avec trois mouvements qui affectent les acteurs territoriaux dans la gestion des données publiques : 

  • la création d’espaces de données d’intérêt général : ces dynamiques commencent à apparaître pour piloter certaines politiques publiques, notamment pour mettre en œuvre la transition environnementale et faire émerger une économie de la donnée souveraine
  • la multiplication des partenariats de données locaux : ponctuels ou pérennes, thématiques ou généralistes, de plus en plus de territoires encouragent les acteurs à partager des données entre acteurs publics et/ou privés. Ces initiatives, encouragées par la législation européenne qui favorise l’altruisme de données, reposent sur la capacité à accéder et à encadrer le partage des données avec des règles juridiques et éthiques. Certaines données sont publiées en open data dans le cadre de ces partenariats mais d’autres ne le sont pas. 
  • des promesses inachevées de l’open data : certaines promesses affichées par la loi pour une République numérique de 2016 ne sont pas au rendez-vous. La création de valeur économique, avec plusieurs milliers d’emplois créés à l’échelle européenne, ne s’est pas pleinement réalisée, et il faut également admettre que “la promesse démocratique n’est pas non plus complètement au rendez-vous.” 

L’ouverture des données ne fait pas une politique publique de la donnée. Il y a un vrai enjeu à repositionner ce qu’est l’ouverture des données publiques dans des dispositifs locaux de gestion des données au service des politiques publiques, toujours au service de la transparence démocratique.”

Jacques Priol

Si l’association reste centrée sur l’open data, elle pourrait demeurer avec les 16% de bons élèves, acteurs du secteur public, qui respectent les obligations de la loi pour une République numérique alors qu’ils engagent peut-être, par ailleurs, des actions pertinentes sur la donnée, sans avoir encore pris le chemin de l’ouverture des données.

L’écosystème : quelles leçons tirer des expériences européennes ?

Simon Chignard, expert en gouvernance de la donnée et rapporteur de la mission data et territoires, s’est ensuite exprimé sur la place d’OpenDataFrance dans l’écosystème de la donnée en France et en Europe. Son intervention a débuté par un détour en Allemagne où la Bertelsmann Stiftung, la fondation qui détient le groupe de médias Bertelsmann, est aujourd’hui le premier animateur du réseau des correspondants open data des communes. Cet exemple nous invite à envisager que certaines fonctions d’OpenDataFrance, comme l’animation du réseau d’acteurs publics, peuvent être accomplies par des structures très différentes, y compris privées, comme le fait la Bertelsmann Stiftung. 

Il a souligné que l’équivalent en Europe d’OpenDataFrance, une association de collectivités engagées sur l’open data, n’existe pas,  Il existe bien des coalitions d’acteurs, mais une telle association est unique en Europe. OpenDataFrance pourrait néanmoins s’inspirer d’Eurocities, le réseau européen des grandes villes, qui conduit des groupes de travail, accompagne des projets et réalise du plaidoyer. Il a souligné l’importance de ce travail de fond pour l’association.

La leçon d’Eurocities, c’est que les trois fonctions sont étroitement liées. C’est très compliqué de faire du lobbying, d’être le représentant d’intérêt sans avoir les mains dans le cambouis. C’est la garantie d’apporter des arguments qui soient vraiment ancrés sur une réalité du terrain.” 

Simon Chignard

Il a conclu son intervention par trois réflexions :  

  • nul n’est propriétaire de son sujet : OpenDataFrance, comme d’autres, n’est pas dépositaire du sujet de l’open data, malgré son nom. Il reste beaucoup d’espaces à explorer sur le sujet de l’ouverture des données et les écosystèmes sont vastes autour de la donnée publique.
  • clarifier le rapport à l’État : l’expérience européenne lui a permis de mesurer que les acteurs français ont un rapport assez paradoxal à l’État avec à la fois beaucoup d’attentes et un rapport très critique sur ses réalisations et sa posture. Comment faire pour que l’association devienne encore plus le représentant audible, entendu et écouté de l’État ? 
  • le besoin d’alliances nouvelles : pour arriver à une nouvelle étape dans la vie de l’association, “il faut réfléchir en termes d’alliances nouvelles. Et ne pas y aller tout seul, et pas forcément avec les acteurs qu’on attend le plus.

Parole aux collectivités : ouvrir mais aussi valoriser les données publiques et leurs cas d’usage

La parole est ensuite passée aux collectivités pour comprendre le rôle qu’a joué et que pourrait jouer OpenDataFrance dans leurs projets liés à l’ouverture des données. 

Tout d’abord, François Guyon, délégué du président en charge du numérique et du territoire innovant et connecté à Niort Agglo, a fait part de son témoignage sur l’accompagnement apporté par l’association en 2022 quand la collectivité a été lauréate de l’appel à manifestation d’intérêt sur l’apport des données publiques pour la transition environnementale. Il souligne la qualité de  l’équipe d’OpenDataFrance qui “nous a apporté beaucoup de choses” dans la conduite de ce projet, notamment en matière de standardisation des données. Aujourd’hui, néanmoins, l’ouverture des données à Niort Agglo est moins au cœur des priorités. La collectivité souhaite avant tout valoriser les données et créer ses propres outils plutôt que d’attendre les réutilisations qui tardent à arriver. François Guyon attend de l’association qu’elle partage et valorise les cas d’usage des données publiques. 

Ensuite, Flore Bonhomme, chargée de projet et territoire intelligent à la métropole Rouen Normandie, a souligné l’importance de l’association pour les collectivités. Selon elle, « OpenDataFrance est l’acteur qui connaît le mieux, de par son historique et de par toutes les collectivités adhérentes, tous les enjeux autour de la data« . Elle a également mis en avant l’importance de l’association pour s’exprimer au nom de l’ensemble des collectivités et pour l’accès à un nombre de ressources précieuses pour les collectivités, en particulier en matière de veille. L’adhésion à l’association est un geste fort pour une collectivité qui se lance dans une démarche d’ouverture et de valorisation de ses données : “à chaque fois, l’acte fondateur a été de faire délibérer les élus sur une feuille de route, mais également d’adhérer à l’association OpenDataFrance, car c’est très important de pouvoir partager ces questions avec d’autres collectivités.” Pour les agents en charge de l’open data, l’association renforce la dynamique : “souvent on est un peu seul sur ces sujets en interne, donc l’association permet de créer une émulation.” Le périmètre de l’association pourrait s’étendre, dans une certaine mesure : « l’open data doit rester au cœur de l’association OpenDataFrance, mais l’association ne doit pas s’interdire d’explorer ces thématiques connexes que sont l’intelligence artificielle, le territoire intelligent, le numérique responsable, car on voit bien que tous ces sujets s’alimentent les uns les autres. » 

Enfin, toujours en Normandie, nous avons passé la parole à Stéphanie de Bazelaire, adjointe au maire du Havre, chargée de l’innovation et du numérique. La collectivité est nouvellement adhérente à OpenDataFrance, l’adhésion est un premier geste qui traduit la volonté politique d’avancer sur la question de l’open data: “j’ai beaucoup d’ambition et d’attente auprès d’OpenDataFrance. Cette adhésion, c’est vraiment une façon de matérialiser la volonté de la ville du Havre d’aller sur ces sujets.” Elle attend de l’association qu’elle l’aide à échanger avec d’autres collectivités pour sortir du sentiment d’isolement que peuvent ressentir les élus face à la diversité des enjeux liés au numérique et aux données : “quand on parle de transition numérique, de territoire intelligent, de data, il faut avoir une vision très transversale et décloisonner. […] être adhérent, c’est aussi une façon de venir partager mes préoccupations, mes attentes, mes besoins avec d’autres membres. J’attends beaucoup de retours d’expériences : comment, dans vos collectivités respectives, vous avez pu faire avancer ces sujets-là ?” Elle exprime aussi une demande d’aller de la donnée à l’IA : “il faut qu’on soit en pointe sur ces sujets parce que ce sont des opportunités de création de valeur dans nos territoires et il y a aussi un vrai enjeu de service public.” Elle formule une demande en matière de valorisation des cas d’usage des données publiques : “si on veut embarquer les collectivités autour de ces sujets, il faut qu’on soit en capacité de montrer des cas d’usage très pratiques.”

Réponses des participants à la question Quels sont les besoins des collectivités aujourd’hui sur le sujet de la donnée publique ?
Réponses des participants à la question Quels sont les besoins des collectivités aujourd’hui sur le sujet de la donnée publique ?

Bâtir des coalitions pour accroître l’impact de l’open data

Après les collectivités, Mathilde Bras, ancienne d’Etalab, a apporté son témoignage sur le rôle de l’association dans l’application de la loi pour une République numérique : “pour l’administration centrale, dont je faisais partie, l’association nous a aidé à comprendre comment on allait faire appliquer ces dispositions.” Aujourd’hui, elle se félicite que le pari de l’open data reste dans l’ensemble réussi. En témoigne des cas d’usage qui démontrent l’intérêt de l’open data dans le débat public et dans la vie quotidienne.

Grâce à la data, on peut connaître la composition des produits alimentaires. Elle nous permet de mieux respirer quand la circulation en ville est adaptée en fonction des pics de pollution. La data permet de mieux voter, quand on évalue l’accessibilité des bureaux de vote. Elle permet de mieux aménager quand on peut anticiper les effets du changement climatique sur le trait de côte ou sur le risque de disparition d’espèces d’oiseaux. Elle permet de mieux soigner quand il est possible de connaître les causes principales et secondaires de certaines maladies qui augmentent sur le territoire.

Mathilde Bras

À l’aune de ses cas d’usage, elle invite l’association à être plus à l’écoute d’associations qui portent ces sujets qui sont d’intérêt général : “sans Respire, on n’a pas de circulation alternée. Sans Bloom, on n’a pas de régulation de la pêche en eau profonde. Sans Transparency International, on n’a pas de registre sur les représentants d’intérêt. Sans les associations de cyclistes, on n’a pas d’augmentation des pistes cyclables dans les zones où il y en a besoin.” Face au changement climatique et à la montée des inégalités, elle invite l’association à bâtir des coalitions avec ces associations pour accroître l’impact de l’open data. 

Nuage de mots réalisés lors du webinaire à partir des réponses des participants à la question Avec quels acteurs devraient collaborer OpenDataFrance ?

OpenDataFrance comme espace indispensable de rencontres et d’expertise pour les collectivités

Enfin, Thomas Cottinet, directeur de l’Ecolab, le laboratoire d’innovation au service de la transition écologique du Commissariat Général du Développement Durable, est revenu sur une expérience de quinze ans en collectivités pour souligner l’importance de disposer de lieux de rencontre et d’échange.

« La donnée fait partie des sujets où c’est évident : il y a besoin de ces échanges entre pairs. Il y a besoin d’avoir une capacité d’influence sur l’État, sur les institutions européennes, parfois aussi sur des acteurs économiques qui sont très importants”

Thomas Cottinet

Il a également souligné dans son intervention l’importance de partager des savoir-faire. Il suggère à l’association de se positionner comme un institut de référence pour les enjeux des données dans les collectivités territoriales  « il y a besoin d’une forme d’association en mode institut, centre de ressources de référence vers lequel un agent ou un élu territorial, lorsqu’il arrive avec des enjeux de données, peut se tourner sans chercher à réfléchir ». Cet institut de référence doit porter une série d’actions, animer l’écosystème et organiser des séquences d’échange entre pairs. Il a conclu en soulignant que « la donnée est un enjeu qui dépasse largement les frontières actuelles de l’open data et qu’OpenDataFrance a un rôle important à jouer dans cette collaboration entre les différents acteurs.« 

Prochaine étape : une consultation ouverte et la deuxième édition des Assises d’OpenDataFrance à Paris

Constance Nebbula a clôturé en se félicitant pour la dynamique enclenchée par cette rencontre : “on est en train de faire quelque chose qui, si j’en crois ce qui m’est écrit en privé depuis plusieurs semaines, a rarement eu l’occasion de se faire. […] Il y a eu un moment où, autour de la table, chacun a pu partager ses différentes visions, sans tabou. Et je suis très heureuse que ce soit du côté OpenDataFrance qu’ait été prise l’initiative.

Suite à cet événement, dans le cadre de la démarche “OpenDataFrance se réinvente”, vous êtes invités à contribuer à une grande consultation publique pour connaître votre avis sur l’avenir d’OpenDataFrance. L’association sollicite la contribution de tous : agents publics, élus, et toute personne intéressée par les enjeux de la donnée. Cette démarche collaborative a pour but de clarifier le rôle et la place d’OpenDataFrance dans l’écosystème, d’identifier les besoins précis des acteurs concernés, et de définir les actions prioritaires. La consultation est ouverte jusqu’au 1 avril 2024.  

Et enfin, notez la date du 17 avril 2024 ! La série de consultations en ligne et d’événements s’achèvera avec le second événement des Assises d’OpenDataFrance, qui se déroulera au ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires à Paris, le 17 avril 2024. Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire sur notre site !