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Nous devons, enfin, (re)donner du sens à la politique d’open data

Dans le cadre de la mission « Data et territoires » lancée par le Ministre Stanislas Guerini, j’ai eu l’occasion d’être auditionnée en tant que Présidente d’ OpenDataFrance. En plus de cet entretien, pour alimenter la mission, l’association a fourni à la mission une contribution écrite, avec des propositions, et a participé à l’organisation d’un évènement mobilisant le témoignage de collectivités.

Je remercie Christine Hennion, Bertrand Monthubert et Magali Altounian pour le temps consacré à nos échanges et pour l’intérêt porté à notre analyse, ainsi qu’à Simon Chignard pour son écoute et sa retranscription. Dès l’annonce de cette mission, j’indiquais qu’elle était utile, nécessaire et arrivait au bon moment. Les attentes de positions claires et concrètes sont réelles. Comment faciliter et améliorer l’exploitation des données par les collectivités territoriales ?

Je me suis plongée dans la lecture totale des 68 pages du rapport, et je tiens à souligner sa grande qualité rédactionnelle, le très bon état des lieux et « portrait » de la situation qui est dressé et la pertinence des points « bloquants » identifiés. Le constat est le bon et il est rassurant de le voir ainsi matérialisé et faire l’unanimité.

Spécifiquement sur l’open data, je partage l’analyse selon laquelle la maturité est croissante, que la dynamique existe (de manière variable) mais lente si l’on se résume à l’obligation légale d’ouverture des données (seulement 16% des collectivités concernées par la loi). La réalité, c’est que la loi pour une République numérique n’a pas été accompagnée. Elle s’est contentée d’imposer une obligation, perçue, comme l’indique la mission, comme une contrainte réglementaire de plus pour certains élus et dont les bénéfices pour leur collectivité n’apparaissent pas clairs. Je partage également l’analyse selon laquelle la focalisation sur l’ouverture des données bloque d’autres approches, pas nécessairement ouvertes, de l’utilisation utile des données.

Nous devons des années après, enfin, (re)donner du sens à la politique d’open data. Je me réjouis de lire ce constat dans le rapport, il est temps.

Depuis ma prise de fonction il y a 8 mois, je n’ai eu de cesse de dire que le sujet des données n’est pas un sujet technique, c’est un sujet de politique publique, « voire de politique tout court ». Je me réjouis que ces propos soient repris (P.24). Le rapport insiste également sur la nécessité, pour donner du sens, de mettre en avant des cas d’usages exemplaires : c’est une des missions d’OpenDataFrance, qui à travers différents partenariats et livrables, valorise des démarches de tous types de collectivités. C’est l’objet par exemple de notre dernière production et citée dans le rapport, Data Impact (cité P. 22).

Je suis très heureuse de constater qu’OpenDataFrance est citée à plusieurs reprises, dans différents chapitres, tout au long du rapport, aussi bien pour reprendre les propos tenus lors de nos échanges, que mentionner nos productions et actions, voire même reprendre quasi mot pour mot nos propositions. « Plusieurs acteurs, dont l’association OpenDataFrance, plaident pour la mise en place d’une véritable gouvernance qui associerait l’État et les collectivités, tant au niveau national qu’au niveau local. C’est le sens de la recommandation n°1. » (P.28) Que notre proposition soit reprise telle quelle par la mission, et positionnée en 1ère recommandation, est une reconnaissance de notre légitimité et de notre constat, partagé par les acteurs de la data en France.

Les blocages d’aujourd’hui sont liés à l’absence d’une gouvernance claire et partagée depuis des années. Ce point est essentiel et je serai donc attentive à sa concrétisation et sa déclinaison. Je note que cette recommandation est associée au renforcement du rôle du Conseil national de l’information géolocalisée – CNIG. OpenDataFrance est membre du CNIG, nous continuerons à travailler ensemble et à collaborer demain dans les nouvelles missions qui seront les siennes.

Elle évoque aussi la création de comités territoriaux de la donnée (P.42), dans chaque Région. J’annonce ici, qu’avec ma casquette de Vice Présidente de la Région Pays de la Loire, je souhaite porter dès à présent la création d’un comité ligérien de la donnée qui, comme proposé dans le rapport, invitera les collectivités territoriales, l’Etat et les acteurs de la donnée de la Région à se mettre autour de la table, ensemble. Il est temps de mettre fin à des initiatives parcellaires.

Le rapport indique que le thème de la donnée apparaît comme encore peu mature dans l’esprit des élus, que ce sujet n’apparait pas comme une priorité. Si je partage ce constat, je suis aussi surprise de ne pas voir l’ Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, qui représente plus de 500 000 élus locaux, citée dans la liste des structures entendues. Je plaide, comme le rapport, pour le développement d’une culture de la donnée et une généralisation de leur utilisation. Pour cela, il est nécessaire d’embarquer tous les élus, tous les agents, toutes les collectivités. Je remarque aussi, avec regret, que ce sont toujours les mêmes qui sont citées et interrogées. Il est temps de valoriser d’autres initiatives que celles du cercle des initiés et d’avoir une démarche un peu plus curieuse et profonde sur ce qu’il se passe dans des collectivités moins « communicantes ».

Concernant la recommandation n°3 (« réaffirmer le rôle et les missions des référents Data au sein des Préfectures ») : je ne pense pas prendre beaucoup de risques en disant que nous serons de nombreux élus à découvrir qu’il existe des référents Data… je l’ai pour ma part appris lors de l’audition avec la mission !

Le rapport évoque dans sa recommandation n°4 le fait de renforcer le soutien financier aux acteurs qui aident les collectivités territoriales dans leur démarche de collecte, d’exploitation et d’ouverture des données. Une bonne nouvelle pour OpenDataFrance, dont c’est l’activité principale depuis 10 ans (« Leurs travaux doivent être appréciés à leur juste valeur » P.44). Si je ne doutais pas que nos objectifs étaient communs et partagés avec l’État, je suis heureuse de lire que notre action va être soutenue de manière pérenne.

Nous partageons le constat qu’au-delà de l’ouverture des données, l’heure est désormais au traitement collaboratif de données et à leur partage. Je crois en une meilleure collaboration public / privé, et entre acteurs locaux et nationaux. Je crois en l’usage et à l’open data par la demande. « Ensuite, comme le souligne l’association OpenDataFrance, de nombreux sujets méritent davantage de donner lieu à des coopérations entre acteurs publics locaux plutôt que d’encourager leur mise en concurrence. Les grands enjeux de notre époque, comme la transition écologique, nécessitent de mettre en commun les énergies et les ressources disponibles. » (P.52) Ce qui débouche sur la recommandation n°11 qui reprend notre analyse pour proposer « une logique d’appels à communs ». Nous serons au rdv sur ces sujets.

Bien sûr pour faire tout cela, nous aurons besoin d’actes forts de la part de l’Etat. P.49-50 est évoqué « l’industrialisation de la standardisation », le passage à l’échelle, l’appropriation et la diffusion de standards : oui ! Mais les collectivités ou les associations concernées ne pourront pas faire cela sans impulsion au plus haut niveau de l’Etat, qui doit nécessairement (re)prendre des initiatives et le lead sur ces sujets, qui de manière décentralisée, donnera le « la » aux producteurs de données.

Le rapport doit permettre d’interpeller sur les réalités et les incongruités (ou les actions contradictoires). Or on laisse entendre P.28 que « les partenariats Etat-régions dans le domaine de l’information géographique » sont soutenus. Dans les faits, c’est une autre affaire : en Pays de la Loire, GEOPAL est le portail participatif régional dédié à l’information géographique qui existe depuis 2011, au départ co-financé Etat-Région (soutien FEDER) dans le cadre du CPER. Puis, l’Etat s’est désengagé. Il a arrêté de soutenir une initiative qu’il a lui-même souhaitée. Et comme souvent lorsque l’Etat se désengage, cela retombe sur le dos de la collectivité, et aujourd’hui, c’est la Région Pays de la Loire qui finance GEOPAL (3M€) pour que le service continue d’exister. La recommandation n°13 (P.56) (soutien à des espaces communs de données au niveau territorial, notamment ceux dans une démarche d’animation) va donc être je l’espère suivie du rétablissement de ces financements, qui dans la réalité, n’existent plus.

Interpellation nécessaire en revanche sur l’exemple de l’accès aux données d’immatriculations de véhicules (P.34) : OpenDataFrance s’est mobilisée sur cette question, à la demande de plusieurs de ses collectivités membres, et nous n’avons pas été soutenus. L’association a sollicité le ministère de l’Intérieur, qui nous a répondu négativement. Ce type de situation incompréhensible ne doit plus avoir lieu d’être, une clarification entre administrations est nécessaire.

La donnée, nous le partageons, est un formidable outil de politique publique, d’aide à la décision, d’amélioration de nos services et de soutien aux enjeux environnementaux, démographiques, financiers… auxquels doivent répondre les collectivités. Pour transformer l’essai, il faut changer de braquet. Les recommandations de cette mission invitent à le faire (tout comme l’avait également amorcé le rapport du Député éric bothorel en 2020), et en tout premier lieu, à une nécessaire et attendue mobilisation de l’Etat, qui saura compter sur une mobilisation forte des élus, des associations et des acteurs de la donnée.

OpenDataFrance intègre aussi toute la part qui est la sienne dans ces enjeux, qui bougent ces dernières années et vont continuer d’évoluer, dans le bon sens. Dans les prochains jours, j’annoncerai le lancement d’une grande démarche de concertation et de réflexion pour l’association, pour poursuivre le travail au service de l’intérêt général.

Constance Nebbula, présidente d’OpenDataFrance
Vice Présidente de la Region Pays de la Loire – Vice Présidente d’Angers Loire Métropole