À l’heure du tout-dématérialisé, construisons un numérique social et responsable
D’ici la fin de l’année, l’État souhaite atteindre 100 % de la dématérialisation des services publics. Cet objectif se heurte à une réalité : environ 13 millions de personnes en France sont touchées par l’illectronisme, essentiellement les séniors et les plus précaires. Plus nombreux encore sont ceux qui restent démunis face aux démarches administratives en ligne, par manque d’équipement informatique, d’accès à des réseaux de qualité, d’accompagnements ou de clés de compréhension.
15 % des français n’ont pas toujours pas un accès Internet à leur domicile, et ce chiffre s’élève à 25 % pour les bénéficiaires des minimas sociaux, selon un récent rapport du défenseur des droits.
La crise sanitaire et le distanciel généralisé qu’elle a entraîné ont été un véritable révélateur des inégalités entre les citoyens. La fermeture des guichets d’accueil physique a marqué une rupture dans la continuité de l’accès aux droits : la hausse des réclamations adressées au Défenseur des droits concertant les droits des usagers aux services publics le démontre.
Pour un numérique responsable au service des citoyens et non l’inverse
Face à cette urgence et dans une configuration inédite, dix associations représentant les collectivités territoriales et leurs groupements, réunies en une Belle Alliance, ont présenté un manifeste « pour réussir une transformation numérique responsable dans les territoires ». Les élus locaux le réclament car c’est indispensable pour ceux qui restent les plus éloignés des nouvelles technologies : il est urgent de penser un numérique sobre et garantir une alternative humaine au numérique pour tous les services publics, de sanctuariser des espaces physiques d’accueil, de rétablir les plateformes téléphoniques. La dématérialisation se fait au service du citoyen dès lors qu’elle est raisonnée.
En outre, les services publics de proximité doivent permettre un accompagnement des personnes aux usages numériques, porté par des agents publics formés. C’est l’un des prérequis pour fonder la confiance des citoyens envers le numérique. Mais il faut également renforcer l’indispensable protection des données et la cybersécurité, associer les citoyens et la société civile aux questions éthiques, sociétales et économiques posées par cestechnologies. Enfin il convient de définir clairement les conditions de définition et de protection de l’ « identité numérique », essentielles dans le déploiement des dispositifs France Connect et Mon Espace Santé notamment.
Pour un plan de financement pérenne des politiques numériques au-delà du plan de relance
Si la mise en place d’une politique ambitieuse d’inclusion numérique doit partir du point de vue des bénéficiaires, il faut pouvoir la financer dans la durée. Les élus locaux appellent à stopper la logique des appels à projets incessantsau bénéfice d’un véritable plan de financement des politiques numériques nationales et locales qui n’oublie aucun des bassins de vie, y compris les plus ruraux ou éloignés des centres urbains. Un soutien d’ingénierie numérique déconcentrée, sur le modèle des anciennes DDE (Direction Départementale de l’Équipement) par exemple, est en particulier indispensable pour les collectivités rurales. Dans un contexte de contraction budgétaire, de pertes de latitude fiscale et de manque d’ingénierie numérique, les collectivités territoriales ne pourront pas, sans moyen supplémentaire, accompagner et organiser sur le terrain les transformations numériques, sociales et écologiques qui s’imposent à l’ensemble des territoires.
Pour la mise en place d’une gouvernance partagée entre l’État et les collectivités
Alors que les enjeux du numérique, pourtant au cœur du quotidien des Français, ont été totalement oubliés des campagnes présidentielles et législatives, une gouvernance partagée entre l’État et les collectivités est une nécessité absolue. Celle-ci devra définir et piloter une politique numérique responsable pour la législature qui s’ouvre. Le portage politique doit être fort et constant : c’est pourquoi les collectivités sont prêtes à contribuer avec le soutien de l’Etat à la transformation numérique du pays en proximité avec les citoyens. A ses dimensions sociales et environnementales du numérique, devront s’ajouter durant ce quinquennat les questions liées à l’éthique et à la citoyenneté qui se rapportent au numérique. C’est un devoir politique et démocratique que la Belle Alliance souhaite accompagner.