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Assises d’OpenDataFrance #2 : Un écosystème en évolution et de nombreuses attentes vis-à-vis d’ODF

Depuis le début de l’année 2024, OpenDataFrance réinvente sa raison d’être, ses missions, son périmètre d’intervention, sa gouvernance, son organisation, son financement… Le conseil d’administration de l’association a lancé une grande démarche de concertation articulée autour de quatre temps forts

  • une consultation des adhérents et d’ambassadeurs de l’open data (Jean-Marie Bourgogne, Mathilde Bras, Dorie Bruyas, Simon Chignard, Charles Népote, Jacques Priol, Samuel Goëta) en janvier 2024
  • les premières assises de l’association le 7 février 2024 en visio (lire le compte-rendu)
  • le lancement d’une consultation publique du 22 février au 12 avril 2024

Les deuxièmes assises d’OpenDataFrance étaient organisées le 17 avril 2024 à Paris, au Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires. Elles ont constitué le point d’orgue de cette consultation. Dans ce premier billet de blog, nous revenons sur le contexte dans lequel s’inscrit ODF et les principales attentes vis-à-vis de l’association. Il sera suivi par un second, qui présentera les contributions des ambassadeurs et le travail en ateliers, sur la base de scenarii, des participants aux assises. 

En ouverture de la journée, Constance Nebbula, présidente de l’association, a souligné l’originalité de cette démarche dans un contexte mouvant.

Cela fait un an que j’ai le plaisir d’être présidente d’Open Data France. Quand on prend la responsabilité de présider une association, il est finalement assez rare de se dire “quel est l’objet de cette structure ? Est-ce qu’elle a toujours une légitimité ? Est-ce que son utilité est toujours pertinente ?” Open Data France est une association qui œuvre pour les collectivités depuis 10 ans. Et vous êtes les mieux placés pour savoir que depuis 10 ans, notre écosystème de la data, de l’open data en France, il n’est absolument plus le même que celui d’il y a 10 ans.

Constance Nebbula

Elle a rappelé que seulement 16% des collectivités concernées par la loi pour une République numérique ouvrent leurs données et que cette démarche de réinvention de l’association vise à redonner du sens à l’ouverture des données pour que plus de collectivités s’en saisissent.  Ces travaux peuvent et doivent aussi contribuer à “porter un vrai sujet autour de la gouvernance des données à l’échelle nationale”, en n’impliquant pas que des territoires “pionniers” mais les communes de toutes tailles, les intercommunalités, métropoles, départements et régions.  

Cette intervention rejoint celle d’Eric Bothorel, député des Côtes d’Armor et auteur du rapport sur la politique de la donnée remis au Premier ministre en décembre 2020. Il a commencé son discours en vidéo en rappelant que si la France est considérée comme le pays le plus mature sur l’ouverture des données en Europe.

Cette position n’est pas acquise à vie et nous devons continuer à poursuivre les démarches qui permettent de porter toujours plus haut la nécessité d’avoir de l’ouverture de la donnée.

Eric Bothorel

Comme Constance Nebbula, il appelle à sortir de l’idée d’une “ouverture pour l’ouverture” mais d’en montrer les bénéfices pour l’efficacité de l’action publique, l’innovation de l’administration comme de la société civile mais aussi pour la confiance des citoyens dans leurs représentants. 

La conclusion de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, faisait écho à ces propos liminaires. Après avoir affirmé la pertinence de l’organisation des assises dans les locaux du ministère compte tenu de l’implication de l’association avec l’Ecolab, en charge notamment de l’initiative GreenDataForHealth, il a rappelé l’importance de porter les sujets liés à la gestion et à l’ouverture des données. L’accueil de la journée ne relève en effet pas d’une “collusion techno-solutionniste”, mais d’une conviction partagée que des outils et données peuvent aider à “relever collectivement des défis d’ampleur considérable”, notamment dans le domaine environnemental. Il a évoqué l’exemple de l’ouverture des données issues de simulateurs de l’érosion des traits de côtes, susceptible de provoquer des changements de comportements. Cette ouverture relève par ailleurs d’une nécessité démocratique, en particulier pour que le “débat citoyen ne soit pas confisqué par des experts ou par les techniciens” – ce qui implique une donnée accessible d’une part, et une acculturation de chacun de l’autre. Enfin, il a mentionné la donnée comme moyen de favoriser les échanges entre les niveaux d’action publique.

Je suis convaincu que [la donnée] peut être aussi un levier nouveau de coopération entre l’État et les collectivités territoriales, dans des partages qui peuvent être ascendants et descendants, et qui ne sont pas aujourd’hui encore aussi formalisés qu’ils pourraient l’être.

Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

Cette triple conviction, d’un besoin démocratique à l’ouverture des données, de l’intérêt de leur partage et de leur gestion efficace dans le cadre du pilotage de l’action publique et du besoin d’échanges croissants entre acteurs, a guidé l’ensemble des échanges de la journée. 

Avant les ateliers qui ont permis aux participants de faire part de leurs réflexions sur l’avenir de l’association, Samuel Goëta, de la coopérative Datactivist (qui accompagne l’association dans son travail de rédéfinition), a présenté les grands enseignements de la consultation ouverte. 

Organisée en ligne du 22 février au 12 avril 2024, elle a fait l’objet de 79 réponses. Les personnes interrogées ont exprimé leur opinion sur cinq questions

  • Quels sont les sujets que devrait traiter OpenDataFrance en priorité ? 
  • Quelles devraient être les principales activités d’OpenDataFrance ? 
  • Si vous ne deviez conserver qu’un projet mené par OpenDataFrance depuis sa création, lequel serait-il ? 
  • Qui devraient être les membres d’OpenDataFrance ? 
  • Quelles devraient être les principales sources de financement d’OpenDataFrance ? 

Le premier constat est que l’association intéresse au-delà de sa base de membres. 54% des répondants (43 sur 79) ne représentent pas une collectivité, et 23% ne savent pas si leur organisation est membre de l’association. Cela suggère une capacité d’OpenDataFrance à s’adresser à un public large, ne comprenant pas que des acteurs publics territoriaux. 

Cet écho déjà fort auprès de nombreux acteurs explique sans doute la récurrence des souhaits d’ouverture de la base des membres de l’association. 79% des répondants proposent en effet que les services de l’État puissent y adhérer, et 41% sont favorables à l’intégration des entreprises privées. Ce dernier point ne faisait donc pas consensus, et des participants suggéraient que cette ouverture de l’association devait être encadrée (par exemple par la création d’un collège), pour éviter un mélange entre intérêts publics et privés. 

Une courte majorité de répondants (54%) propose par ailleurs que le périmètre d’OpenDataFrance s’ouvre, pour traiter l’ensemble des sujets relatifs aux données d’intérêt général. Cette volonté s’inscrit dans le contexte d’un usage croissant des données pour la gestion des politiques publiques et donc d’un besoin accru de partager des données entre partenaires et d’acculturer les agents et élus au sujet. Jacques Priol, qui fait partie des ambassadeurs sollicités par ODF, résumait ainsi la situation : “L’open data, dans ses principes, sa définition et ses objectifs politiques, est dépassé par la datafication de la gestion publique et les nouveaux usages de la donnée qui reposent sur des données publiques rendues publiques, des données publiques non publiées et des données privées d’intérêt général.” 

Pour autant, l’ouverture des données doit demeurer une priorité d’ODF. 81% des répondants estiment qu’il s’agit d’un sujet incontournable. 75% considèrent que la thématique du partage des données publiques doit également être traitée par l’association.

Enfin, les répondants se sont exprimés sur les activités souhaitables d’ODF. Une grande majorité (73%) exprime des attentes concernant l’animation de l’écosystème. Les activités d’acculturation et de plaidoyer complètent le podium. Ce classement rejoint dans l’ensemble les suggestions des ambassadeurs, mais également celles de participants à la table ronde organisée l’après-midi des assises. 

En début d’après-midi, Constance Nebbula a animé une table ronde sur le futur d’OpenDataFrance. Les échanges ont porté sur l’écosystème des données publiques, les activités souhaitables de l’association, et quelques exemples de gouvernance ont été évoqués. Il en est notamment ressorti qu’ODF avait un rôle à jouer en tant qu’animateur d’une communauté, passeur de savoirs et de bonnes pratiques, et intermédiaire : entre les collectivités, l’État et la “société civile” (chercheurs, citoyens…). 

Vincent Alleno, vice-président du Conseil départemental des Côtes d’Armor, a entamé la discussion en rappelant, cas d’étude sur les données de la qualité de l’eau à l’appui, l’importance de la donnée dans le pilotage des politiques publiques et l’aide à la décision. Afin que les élus et agents territoriaux prennent la mesure de son utilité dans la conduite de l’action publique, il estime nécessaire qu’ils acquièrent de nouveaux savoirs et savoir-faire. L’acculturation à la donnée doit ainsi demeurer une des missions d’OpenDataFrance.

Je vois l’intérêt, au niveau local, comme la data peut être un outil de pilotage et d’aide à la décision. Dans les scénarii, ce qui me semble important, si on repart de l’histoire de l’open data, c’est une montée en connaissances, puis une montée en compétences des acteurs locaux. Et il me semble que ça, c’est quelque chose qui est important à conserver.

Vincent Alleno

Marlène Le Dieu de Ville, vice-présidente de la Communauté des communes Lacq Orthez et co-Présidente de la commission numérique des Intercommunalités de France, le rejoint sur l’importance de continuer à accompagner les acteurs territoriaux à se saisir de la donnée comme d’un nouvel outil : “Il faut montrer en quoi l’utilisation de la donnée va apporter à nos politiques publiques, ça peut être de la transition écologique, de la mobilité, de la petite enfance…”. Elle ajoutait qu’OpenData France avait un rôle crucial à jouer dans la mise à disposition de ressources (documentation et outils) à destination de collectivités manquant de temps et/ou d’expertise pour les compiler elles-mêmes. Enfin, en citant plusieurs exemples (données de voiries, des bibliothèques…), elle exprimait un besoin spécifique de relai de bonnes pratiques et d’outils pour que les acteurs territoriaux partagent plus efficacement leurs données.

Dans ma communauté de communes, on essaie de travailler avec le département. […] Mais comment arriver à croiser nos données, à communiquer ensemble, à travailler, et à éviter de stocker des données à des endroits différents. C’est aussi très important, ne serait-ce qu’au nom de la sobriété numérique. […]

Marlène Le Dieu de Ville

Lors des échanges avec la salle, les intervenants ont rappelé cette attente importante vis-à-vis d’OpenDataFrance : éclairer les débats sur les sujets liés aux données publiques et à l’IA, intimement liés, à travers une veille approfondie et un partage de ressources documentaires. 

Alexis Boudard, directeur de l’incubateur des territoires de l’ANCT, rejoignait les autres participants sur la capacité d’ODF à fédérer, mais aussi à acculturer les acteurs des territoires. Il ajoutait qu’OpenDataFrance, en plus de proposer une expertise à des collectivités qui en manqueraient en interne, pouvait être un intermédiaire entre celles-ci et l’État, en partageant des services et des outils (notamment développés par l’ANCT) et en faisant remonter des expériences.

Pour nous, c’est très important d’avoir des associations de collectivités locales qui vont fédérer, qui vont échanger des bonnes pratiques, qui vont explorer certains sujets, qui vont aussi nous remonter des problèmes. Vous avez entendu qu’on aimait travailler à partir des problèmes. Toute cette énergie, la possibilité de fédérer un certain nombre d’acteurs locaux, c’est extrêmement important pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Alexis Boudard

Victor Delavaud, chef adjoint du pôle « Écosystème de la donnée » de la direction interministérielle du numérique, a également loué la capacité d’ODF à faire remonter les besoins des territoires et à “mettre en lien tous ces acteurs, de faire de l’animation de communautés, de réseaux”. Lors du temps d’échange avec la salle, il a insisté sur l’importance d’être un relai vertical (entre État et collectivités) mais aussi horizontal : “[le relai] peut être auprès des services de l’État, mais aussi auprès d’autres collectivités un peu moins matures en la matière pour faire de la pédagogie sur ce qui existe, et pour que les collectivités adhérentes d’Open Data France puissent aussi partager leurs bonnes pratiques, leurs connaissances.”

Interrogé par Constance Nebbula sur les suites du rapport Données et territoires, datant de fin 2023 et bien connu de l’écosystème d’ODF, il a aussi évoqué la nécessité d’avancer de façon collaborative sur le sujet de la gouvernance des données. Cet impératif s’incarne notamment par la création d’un groupe de travail animé par le CNIG (conseil national de l’information géolocalisée) et auquel OpenDataFrance est associé. Dans ce cadre, l’association pourra de nouveau endosser un rôle d’intermédiaire entre le niveau national et les territoires. 

Alice Grippon, vice-présidente de l’Association des archivistes français, a raconté son expérience au sein d’une association professionnelle existant de longue date (l’AAF fêtait récemment ses 120 ans). En plus de présenter les modalités de gouvernance de l’association, elle a partagé le constat que les activités de celles-ci se sont avant tout adaptées à l’évolution du contexte dans lequel elle intervenait.

Nos points forts, c’est cette durée qui nous a permis de s’adapter à la profession. […] Parfois j’ai l’impression que c’est plutôt de l’adaptation à un contexte que de la prise d’initiative, c’est-à-dire qu’on a répondu à des besoins de formation, de publication, d’événements, et qu’on a eu le temps de s’installer dans le paysage.

Alice Grippon

Cet enseignement fait écho à la situation actuelle d’OpenDataFrance : les récentes évolutions technologiques, mais aussi législatives, ont impacté le monde de l’open data et plus largement des données publiques, ce qui a des conséquences sur les activités attendues de l’association. 

Julien Gossé a lui aussi proposé, à partir de son expérience en tant que chercheur au FARI (institut spécialisé dans le domaine de l’intelligence artificielle), des pistes de réflexion sur le rôle d’OpenDataFrance au sein d’un contexte mouvant et comprenant de nombreux acteurs. Il suggérait en particulier que l’association pouvait être un facilitateur d’échanges entre les mondes des politiques publiques, de la recherche, et avec les acteurs citoyens.

C’est une force d’impliquer la recherche dans des projets publics, car ça permet d’avoir directement une interdisciplinarité sur ces sujets [data, IA, transparence], ce que je trouve hyper important. […] Et il y a énormément de chercheurs, et j’en fais partie, qui ont envie d’avoir cet impact plus concret sur le monde qui nous entoure, sur la ville dans laquelle on évolue. Il y a donc une complémentarité entre les besoins en expertise des administrations, mais aussi les aspirations de certains chercheurs à travailler sur des questions très concrètes. […] Le dernier point que je voudrais mentionner, c’est qu’au FARI, on arrive aussi à impliquer le citoyen de façon assez aisée. Cette neutralité du milieu académique permet d’avoir une confiance du citoyen et de l’impliquer dans des projets concrets.

Julien Gossé

Un temps d’échange avec la salle a permis d’aborder brièvement le rôle possible d’OpenDataFrance au niveau européen (de plaidoyer et de “traduction”, pour les territoires, des évolutions législatives transnationales). Les cadres d’échanges entre acteurs publics et privés sur les sujets liés aux données et à l’intelligence artificielle ont également été évoqués. 

Constance Nebbula a conclu la table ronde en notant que, parmi les nombreuses suggestions faites sur les activités possibles d’OpenDataFrance, celui de “courroie de transmissions” entre les collectivités et l’État, et entre les collectivités elles-mêmes, était particulièrement plébiscité. Si l’association ne pourrait pas répondre à tous les enjeux rencontrés actuellement dans le monde des données publiques, elle peut être un maillon structurant de l’écosystème, capable de rassembler de nombreux acteurs. 

La suite de la journée dans la deuxième partie du billet de blog à venir !

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